Historique du Prix Noailles : Une route ancienne vers Chantilly

18 avril 2022

Junko et Maxime Guyon remportent le Prix Noailles (Gr3), le dimanche 17 avril 2022 sur l'hippodrome de Longchamp, à Paris.

Photo arrivée 2022 : scoopdyga.com

Avril, ParisLongchamp

Prix Noailles

 

Groupe 3, 3ans, 2 100 mètres, 80 000 €

Créé en 1878 (Prix du Nabob)

 

Tenant du titre : Junko (h3, GB par Intello et Lady Zuzu, par Dynaformer), appartenant à Wertheimer & Frère, élevé par Wertheimer & Frère, entraîné par André Fabre, monté par Maxime Guyon.

Temps-record :  2’7’’4, par Soldier of Fortune (2007).

La course se déroulerait en 2023 pour la 94ème fois sous ce nom

L'édition 2022

Dimanche 17 avril 2022, Hippodrome ParisLongchamp (Paris). - Tombeur de Welwal sur la PSF de Chantilly lors de précédente sortie, la deuxième de sa carrière après des débuts victorieux en février, le hongre Junko (Intello) a confirmé ses moyens sur les 2 100 mètres du Prix Noailles (Gr3) quelques minutes après la victoire de son dauphin dans le Prix de Fontainebleau. Le représentant de Wertheimer & Frère a néanmoins dû batailler pour venir à bout de l’animateur Maximus (Intello), qui n’a finalement concédé qu’une encolure aux abords du poteau. À moins d’une longueur, Garachico (Ribchester) bat Master Gatsby (The Grey Gatsby) d’une courte tête pour la troisième place…

Les relevés du tracking n'ont pas fourni d'information particulièrement significative sinon que Garachico est le plus rapide sur 200 mètres du peloton avec un chrono de 11''21 des 400 aux 200 mètres.

Encore une arrivée disputée, donc, et un titre important pour le seul hongre de la course, castré en septembre 2021. Junko ne pourra en effet disputer le Qatar Prix du Jockey Club (Gr1), objectif traditionnel des meilleurs concurrents du Prix Noailles.

D’autres horizons restent bien sûr ouverts à l’élève de Wertheimer & frère, qui s’est porté acquéreur de sa mère, la placée de Groupe 3 US Lady Zuzu (Dynaformer), sœur du gagnant de Groupe 3 et placé de Groupe 1 Optimizer (English Channel), vendue pleine de War Front pour 2 350 000 $ aux ventes d’élevage Fasig-Tipton en 2016.

Elle a depuis donné quatre poulains, tous gagnants, à l’exception du dernier, un fils de Frankel âgé de 2 ans et entraîné par Carlos Laffon-Parias. À noter que la fille de War Front achetée en même temps que sa mère, qui le portait, a gagné une course et a été vendue d’abord par Wertheimer & Frère, puis par le Haras d’Étreham, en décembre dernier à Tattersalls, pleine de Persian King, pour 115 000 £ à Chantilly Bloodstock Agency (Gérard Larrieu).

 

Historique des poules de produits

Cette course, créée en 1878 sous le nom de Prix du Nabob, devint Prix Noailles en 1896 pour commémorer le souvenir d’un des principaux dirigeants des courses au galop.

Le Prix du Nabob fit longtemps partie des cinq « poules des produits » instituées par la Société d’Encouragement – comme épreuves préparatoires au Prix du Jockey Club, le Derby français – successivement en 1841 (Poule des Produits, devenu Prix Daru* en 1877), en 1855 (Prix de l’Empereur, devenu Prix Lupin en 1896), en 1861 (Prix de Longchamp, devenu Prix Hocquart en 1885), en 1878 (Prix du Nabob, devenu Prix Noailles en 1896), en 1882 (Prix Greffulhe).

Hormis le Prix Lupin, sans conditions restrictives, les quatre autres prévoyaient chacune des conditions de qualification spécifiques en fonction de la nationalité du père ou de la mère du produit. Le Prix Noailles avait pour conditions « pour produits issus de juments saillies par des étalons nés hors de France ».

Ces cinq « poules de produits » avaient été ajoutées pour renforcer la sélection des chevaux de 3 ans qui ne disposaient auparavant que d’une course importante sur le chemin de l’épreuve classique par excellence, le Prix du Jockey Club. C’était la « Poule d’Essai » – disputée alors sur 1 500 mètres (1 600 mètres à partir de 1867) à l’instar des « Guinées » en Angleterre – créée en 1840 et mixte jusqu’à la division en 1883 en deux épreuves, l’une pour les poulains, l’autre pour les pouliches.

Ces cinq « poules des produits » se couraient sur des distances entre 2 000 et 2 500 mètres, proches des 2 400 mètres du Jockey Club. Pour ces cinq courses, les engagements avaient lieu avant la naissance des produits, l’année même de leur conception, d’où l’expression « engagements dans le ventre de la mère ». Le but était de réunir un très grand nombre d’engagements payants dont la masse permettait de financer les courses en question. Cette pratique des engagements avant la naissance cessa seulement lors des « poules des produits » courues en 1968.

Le Prix Noailles n’a pas été disputé de 1915 à 1919 et en 1940 du fait de la guerre. Couru à Longchamp, il fut transféré en 1943 au Tremblay, en 1944 et 1945 à Maisons-Laffitte, puis en 2016 et en 2017 à Chantilly en raison des travaux de Longchamp. Il ne s'est pas disputé en 2020 en raison de la pandémie de Covid 19.

De 1943 à 1946, le Prix Noailles fusionna avec le Prix Daru, les deux courses étant disputées sous l’appellation « Prix Daru-Noailles ». A l’origine de 2 500 mètres, sa distance fut ramenée à 2 400 mètres en 1942 puis à 2 100 mètres de 1944 à 1946. De 1947 à 2004, elle a été de 2 200 mètres. A compter de 2005, elle a été ramenée à 2 100 mètres à l’occasion du raccourcissement à cette distance du Prix du Jockey Club, puis abaissée à 2 000 mètres en 2011 et ramenée à 2 100 mètres depuis 2012. La course, qui a été rétrogradée en 2014 du rang de groupe 2 au rang de groupe 3.

* Le Prix Daru fut supprimé en 1978. A l’origine (1868) sans conditions, il avait été réservé à partir de 1885 aux : « produits issus de juments nées hors de France. »

The Nabob

Né en 1849 à Hampton Court, haras royal, The Nabob courut vingt-six courses, n’en gagna que six (dont le Chesterfield Cup à 4 ans) mais fut souvent placé, notamment 2ème de l’Ascot Cup derrière l’invincible West Australian. Après un court séjour au haras en Angleterre où il engendra Rupee (Ascot Gold Cup 1860), The Nabob fut importé en France en 1857 et installé au haras de Martinvast (Manche), acheté pour 30 000 F par Arthur de Schickler. Celui-ci lui fut redevable de Choisy le Roi (Prix Lupin 1862) et de Suzerain, le premier (en 1868) de ses cinq vainqueurs du Prix du Jockey Club. Mais The Nabob est surtout connu pour avoir engendré la même année Bois Roussel et Vermout qui, en 1864, remportèrent respectivement le Prix du Jockey Club et le Grand Prix de Paris sous les couleurs d’Henri Delamarre, propriétaire rival de Schickler.

La famille Noailles

Quatre membres de cette illustre famille sont particulièrement attachés à l’histoire des courses.

C’est la mémoire d’Alfred de Noailles (1823-1895) que la Société d’Encouragement voulut honorer en donnant son nom en 1896 au Prix du Nabob. Nommé membre adjoint du comité en 1850 puis membre fondateur en 1860, commissaire des courses de 1854 à 1871, puis de nouveau en 1886 et 1892, Alfred de Noailles avait été secrétaire d’ambassade. Il joua un rôle important durant la période de développement de la Société d’Encouragement, notamment lors des négociations avec la Ville de Paris pour la création de l’hippodrome de Longchamp ouvert en 1857. Membre du Jockey Club depuis 1848, il en avait été nommé vice-président en 1890.

Oncle du précédent, Emmanuel de Noailles fut nommé membre adjoint du comité de la Société d’Encouragement en 1854. En 1856, il eut la joie de voir gagner le Prix du Jockey Club par Lion sous les couleurs de Marc de Beauvau dans l’écurie duquel il était associé. Les exigences de sa carrière diplomatique – il fut ambassadeur de France à Rome, à Vienne et surtout à Berlin – l’obligèrent à quitter la France et il se retira du comité en 1858.

Maurice de Noailles (décédé en 1953) fut nommé membre fondateur du comité de la Société d’Encouragement en 1926. Propriétaire et éleveur, il avait déclaré en 1897 ses couleurs (casaque verte, manches rayées rouge et vert, toque rouge) qui se distinguèrent immédiatement avec Fée Printemps (1895), titulaire de quatre victoires à 2 et 3 ans dont le Prix Vanteaux à Longchamp et 4ème du Prix de Diane. Peu après il commença l’élevage dans sa propriété familiale (le château de Maintenon en Eure-et-Loir). En 1902, il y importa comme étalon Ravensbury (1890), excellent cheval qui avait eu la malchance d’être le contemporain du grand Isinglass dont il s’était classé second successivement dans les Deux Mille Guinées, le Derby et le St Leger, même position occupée à une courte tête de Ragotsky dans le Grand Prix de Paris. Comme reproducteur, Ravensbury se révéla un échec.

C’est en février 1954 que François de Noailles (1905-2009), qui dans sa jeunesse avait monté victorieusement comme gentleman-rider, fut nommé membre fondateur du comité de la Société d’Encouragement. Il fut commissaire des courses de 1956 à 1969, puis – après l’adoption du principe d’alternance de trois ans – de 1972 à 1975 et de 1978 à 1981.

Prix Noailles et Prix du Jockey Club

Le vainqueur du Prix Noailles est parvenu à gagner le Prix du Jockey Club 12 fois : Zut (1879), Ajax (1904), Le Corrège (1928), Château Bouscaut (1930), Pharis (1939), Prince Chevalier (1946), Val de Loir (1962), Le Fabuleux (1964), Goodly (1969), Val de l’Orne (1975), Bering (1986) et Anabaa Blue (2001).

Paradoxalement, aucun n’y est parvenu depuis que la distance du Derby français s’est rapprochée de celle du Prix Noailles, en 2005, passant de 2 400 à 2 100 mètres.

Les lauréats du Prix Noailles ont aussi occupé 17 fois la 2ème place avec Achille (1889), Cherbourg (1895), Flacon (1897), Quo Vadis (1903), Querido (1906), Combourg (1911), Biribi (1926), Actor (1937), Corindon (1952), Vimy (1955), Match (1961), Diatome (1965), Sancy (1972), Twig Moss (1976), Dancehall (1989), Super Célèbre (2003) et Planteur (2010) ; et 6 fois la 3ème place avec Tibère (1901), His Eminence (1945), Giafar (1947), Flush Royal (1948), Lacaduv (1950) et Tanerko (1956).

Les pouliches et le Prix Noailles

Jusqu’à la Première Guerre mondiale il n’était pas rare de voir des pouliches s’aligner dans le Prix Noailles. Sept d’entre elles furent victorieuses : Clémentine (1878), Aïda (1885), Verdière (1886), Alicante (1890), Primrose (1891), Riposte (1896) et La Serqueuse (1907). Parmi elles, seule Primrose parvint à remporter le Prix de Diane.

Bien que la course leur soit toujours ouverte, les pouliches brillent par leur absence, la dernière d’entre elles ayant pris une place d’honneur étant Vigilance, deuxième en 1942.

 

Propriétaires

  • Casaque Wildenstein (5 victoires) : Catus (1977), Pistolet Bleu (1991) et Gunboat Diplomacy (1994) pour Daniel, puis Super Célèbre (2003) et Planteur (2010) sous les couleurs de l’Ecurie Wildenstein.
  • Marcel Boussac (4 victoires) : Irismond (1924), Pharis (1939), Giafar (1947) et Faublas (1953).
  • Guy de Rothschild (4 victoires) : Diatome (1965), Premier Violon (1966), Luthier (1968) et Jeu de Paille (1983).
  • Casaque Wertheimer (4 victoires) : Val de l'Orne (1975) pour Jacques Wertheimer, Special Quest (1998), Slalom (2019) et Junko (2022) pour Wertheimer & Frère.
  • Alphonse de Rothschild (3 victoires) : Forum (1881), Aïda (1885) et Glacier (1902).
  • Edmond Blanc (3 victoires) : Quo Vadis (1903), Ajax (1904) et Jardy (1905).
  • A. K. Macomber (3 victoires) : Pendennis (1920), Red Hawk (1925) et Bengal (1933).
  • Edouard de Rothschild (3 victoires) : Bosphore (1932), Zenodore (1934) et Anchois (1938).
  • Mme Léon Volterra (3 victoires) : Le Grand Bi (1954), Noelor (1958) et Cariellor (1984).
  • Jean-Luc Lagardère (3 victoires) : Walk on Mix (1995), Fragrant Mix (1997) et Slickly (1999).
  • Sue Magnier (3 victoires) : Ballingarry (2002), Soldier of Fortune (2007) et Tableaux (2014).

 

Entraîneurs

  • André Fabre (13 victoires) : Jeu de Paille (1983), Cariellor (1984), Dancehall (1989), Fort Wood (1993), Walk on Mix (1995), Fragrant Mix (1997), Slickly (1999), Gentlewave (2006), Grand Vent (2011), Tableaux (2013), Soleil Marin (2017), Slalom (2019), Junko (2022).
  • Lucien Robert (5 victoires) : Le Corrège (1928), Château Bouscaut (1930), Bosphore (1932), Zenodore (1934) et Anchois (1938).
  • François Mathet (5 victoires) : Le Grand Bi (1954), Tanerko (1956), Noelor (1958), Match (1961) et Calchaqui (1963).
  • Elie Lellouche (5 victoires) : Pistolet Bleu (1991), Gunboat Diplomacy (1994), Helissio (1996), Super Célèbre (2003) et Planteur (2010).
  • George Cunnington senior (4 victoires) : Gournay (1887), Primrose (1891), Aveu (1909) et Aloès III (1910).
  • Christiane Head-Maarek (4 victoires) : Lydian (1981), Bering (1986), Special Quest (1998) et Full of Gold (2008).
  • Jean-Claude Rouget (4 victoires) : Ruwi (2005), Grandcamp (2009), Pharrell (2018), Cheshire Academy (2021).

 

Jockeys

  • Freddy Head (6 victoires) : Goodly (1969), Dragoon (1970), Val de l’Orne (1975), Lydian (1981), Nerio (1988) et Grand Plaisir (1992).
  • Charles Bouillon (5 victoires) : Bosphore (1932), Zenodore (1934), Anchois (1938), Prince Chevalier (1946) et Rancio (1949).
  • Jean Deforge (5 victoires) : Le Ventoux (1960), Diatome (1965), Premier Violon (1966), Roi Dagobert (1967) et Luthier (1968)
  • George Stern (4 victoires) : Ajax (1904), Jardy (1905), Impérial II (1912) et Irismond (1924).
  • Roger Poincelet (4 victoires) : Prince Bio (1944), Giafar (1947), Corindon (1952) et Le Grand Bi (1954).
  • Yves Saint-Martin (4 victoires) : Match (1961), Calchaqui (1963), Catus (1977) et Sadjiyd (1987).
  • Christophe Soumillon (4 victoires) : Anabaa Blue (2001), Voix du Nord (2004) et Soldier of Fortune (2007).
  • Maxime Guyon (4 victoires) : Grand Vent (2011), Tableaux (2013), Slalom (2019), Junko (2022).