Quelques enseignements du tracking dimanche : Sparkling Plenty rappelle Tasmania… Et Ace Impact !

18 juin 2024

Diane 24 Sparkling Plenty

Photo scoopdyga.com

 

Par Emmanuel Roussel

Nous disposons du détail des fractions relevées grâce au système de tracking depuis 2020. Cela couvre quatre éditions du Prix de Diane Longines, remportées successivement par Joan of Arc, Nashwa, Blue Rose Cen et Sparkling Plenty, désormais tenante du titre.

Grâce aux cases colorées selon la position des concurrentes aux différents points de passage, on constate que ces quatre succès ont été acquis de façon tout à fait différente.

Nashwa l’a fait de bout en bout en 2’6’’6 (terrain à 3.4), Joan of Arc avait galopé en 2e position derrière Sibila Spain et avait même perdu un rang aux 200m avant de se ressaisir et de s’imposer en 2’9’’1 (terrain à 3.4). En 2023, Blue Rose Cen était progressivement passée du 4e au 1er rang, qu’elle a occupé dès l’entrée de la ligne droite, pour conclure en 2’5’’1 (terrain à 3.4), et dimanche dernier, la lauréate était encore avant-dernière à 400m du but. Elle s’est imposée en 2’7’’6, sur un terrain à 3.4.

Il avait plu dimanche matin mais les temps étaient beaucoup plus rapides que lors du Qatar Prix du Jockey Club (2’9’’8 sur une piste annoncée à 4.2), et sur tous les créneaux de distance.

À telle enseigne que des 400 aux 200m, pour passer de la 13e à la 3e place, Sparkling Plenty a fait afficher une section à 11’’2, soit 1/10e plus vite qu’Aventure, qui a suivi la même trajectoire, et surtout à 2 centièmes de celle d’Ace Impact dans le « Jockey Club » 2023, gagné dans un temps record sur une piste très rapide. Le champion avait d’ailleurs tracé un parcours similaire à la gagnante du « Diane » 2024. Dans l’édition correspondante du classique des pouliches, Blue Rose Cen n’avait pas réalisé la meilleure fraction du parcours. Cette performance fut celle de la 3e Tasmania… Venue des derniers rangs des 400 aux 200m en 11’’2, tout en restant sous la barre des 12’’ pour la dernière fraction, alors qu’aucune autre concurrente n’avait réussi cela. Ace Impact aussi, avait continué d’aller plus vite que ses adversaires pour finir. C’est moins net pour Sparkling Plenty, qui a fini en 11’’8, comme Survie, qui a bénéficié d’un meilleur parcours, sans doute.

Tasmania a recouru deux mois après cette formidable performance sur 2 400 mètres, dans le Prix Minerve à Deauville. Elle a fini 6e. Revenue sur 2 000m deux autres mois plus tard, elle a gagné facilement le Prix Jacques Laffitte (L). Passée sous l’entraînement de Mark Prescott, elle était engagée dans le Prix Corrida mais n’a pas c encore couru en 2024. Peut-être ira-t-elle sur les Pretty Polly Stakes au Curragh, le 29 juin. Elle est aussi engagée sur 2 000m dans les Eclipse Stakes et les Irish Champion Stakes, puis dans le Qatar Prix de l’Arc de Triomphe, sur 2 400m, donc (où elle pourrait retrouver Sparkling Plenty).

Si ce créneau en 11’’2 dans le Prix de Diane Longines veut dire quelque chose, et si elle a passé un bon hiver de 3 à 4 ans, il sera intéressant de suivre cette fille d’Australia, qui ne semble pourtant pas produire des chevaux si « vite » que ça : selon le Racing Post, sa progéniture affiche un taux de réussite victoires/partants qui progresse avec la distance pour culminer à 16% à partir de 2 800m.

Mais revenons à nos chronos, et à notre Prix de Diane 2024. On a pu relever que la lauréate avait couru à 14 jours, deux semaines après son succès sur les 1 600m du prix de Sandringham. Cette première victoire de haut niveau intervenant trois semaines après sa 6e place dans l’Emirates Poule d’Essai.

 

Comme en Amérique

 

En somme, Sparkling Plenty a connu ce que vivent outre-Atlantique les chevaux de la Triple Couronne, à ceci près que les deux semaines d’intervalle séparent les deux premières tentatives et les trois semaines les deux suivantes. En revanche, la progression dans les distances est comparable puisque la Triple Couronne américaine se déroule sur 2 000 et 1 900 puis sur le créneau plus long de 2 400 mètres. Ici, la championne de Jean-Pierre Dubois a couru deux fois au meilleur niveau sur 1 600m avant de tenter sa chance avec réussite sur 2 100 mètres, soit une augmentation de distance de 31,3%, contre 20% de 2 000 à 2 400m aux USA.

Une telle campagne, avec entre chaque sortie des allers-retours entre Callas et la Région Parisienne, effraierait beaucoup d’entraîneurs plus conservateurs sur la durée nécessaire de récupération être les courses. Cette école fait florès car elle est soutenue par des professionnels dont les succès ne se démentent pas.

Cependant, on doit relever une statistique amusante, concernant le Prix de Diane Longines. Sans remonter au succès de Star of Seville, en 2015, neuf jours après son échec dans sur les 2 400 mètres des Oaks d’Epsom, on peut noter que lors des cinq dernières éditions du « Diane », 9 des 79 concurrentes en lice se présentaient au départ moins de 21 jours après leur précédente sortie, soit une proportion de 11,4%. Deux (22,2%) se sont imposées (Nashwa à 16 jours et Sparkling Plenty à 14 jours), deux ont terminé 2e (Alpine Star, à 15 jours, mais en juillet en raison du décalage de la réunion en 2020) et 4e (Aventure, à 14 jours). Soit 44,4% de réussite dans les quatre premiers pour 11,4% des candidates. Ce n’est pas une recette de cuisine, mais une simple réalité.

 

Delius sort de son train, mais le pire est derrière lui

 

« Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées », aurait dit Winston Churchill. Nul ne sait s’il avait ajouté « et c’est ce qui m’amuse », mais prenons la liberté de le dire à sa place.

Triturer le verdict des chronomètres n’est pas une science exacte mais elle peut nous permettre, de temps en temps, de déceler de nouveaux motifs d’enthousiasme, ou de doute. Prenons Delius, par exemple, dont le facile succès dans le Prix du Lys (Gr3) sur 2 400m, nous a valu une divertissante passe d’armes entre les commentateurs d’Equidia. Le représentant des associés de Coolmore restait sur une victoire sur le même parcours dans une course de Classe 2. Deuxième ce jour-là à une demi-longueur, Paraiba a terminé 13e sans avoir pu quitter les derniers rangs du Prix de Diane Longines, dimanche — elle n’a certainement pas fait sa course.

Ce qui est le plus flagrant, entre le Prix du Puits aux Chiens et le Prix du Lys, c’est la différence dans le temps final : 4’’8. Une réduction kilométrique de 1’4’’6 le 11 mai sur un terrain à 3.3, passée à 1’2’’6 cinq semaines plus tard. Or cette différence est déjà constatée après 1 400m de course, puisque Polanzor, qui a mené les deux épreuves, est passé en tête à ce relais après 1’34’’3 la première fois, et seulement 1’29’’1 dimanche, soit 5’’2 de différence. Pour aller chercher Polanzor puis Paraiba et s’imposer dans la course de classe 2, Delius a dû doubler seulement quatre adversaires et il est passé sous la barre des 11’’ aux 200m sur deux sections, des 600 aux 400m, puis des 400 aux 200m. Passer de 13’’2 aux 200m à moins de 11’’ en une fraction, c’est un sprint, un exercice dans lequel il a pu sembler mal à son aise. Dans le Prix du Lys Longines, en revanche, comme la course avait été plus sélective, il était déjà arrivé à une vitesse plus élevée lorsqu’il a fallu placer un coup de reins décisif. On note toutefois qu’il est allé plus vite des 1 000 aux 800m que dans la section suivante (12’’4 contre 13’’0, mais cela se vérifie toujours à Chantilly, car le tronçon des 800 aux 600, tournant plus fort, aborde une portion montante) pour là encore accélérer sur quatre cents mètres pour maintenir son effort jusqu’au bout. Le 2e Saganti a couvert les derniers 600 mètres plus vite que tout le monde, grâce notamment à une impressionnante accélération des 600 aux 400m (11’’6) puis des 400 aux 200m (meilleure section de la course en 11’’4), mais il a craqué tout à la fin.

 

Marhaba Ya Sanafi, toujours présent

 

Troisième du Qatar Prix du Jockey Club 54 semaines plus tôt, malheureux 6e du Prix d’Ispahan récemment, Marhaba Ya Sanafi partait logiquement grand favori du Prix Bertrand du Breuil Longines (Gr3) et il a tenu son rang après avoir galopé avec l’animatrice Left Sea. Toutefois, il a été mis sous pression jusqu’au bout par la bonne fin de course d’Andromède, son aînée d’un an, qui a refait 3/10e sur lui dans les derniers 600m avec un parcours idéal (selon le relevé du système tracking, elle aurait près de 4m de moins que lui) et n’a échoué que d’une tête. Le représentant de Jaber Abdullah a bouclé l’avant-dernière section de 200m en 10’’9, soit au même rythme que sa rivale, mais dans les derniers 200m, il a concédé 2/10e, et cela a failli lui être fatal.

Chez les 2ans du Prix du Bois Longines (Gr3, 1 200m), le favori français Daylight a sans doute beaucoup souffert de son 8 à la corde, car il s’est retrouvé en pleine piste en tête tandis que le futur lauréat Arabie était bien scotché à la lice extérieure, d’où il a pu prendre le dessus sur son rival, Secret Wood finissant bine pour s’emparer de la 2e place à une bonne longueur (ici 2/10e). Dans la 2e portion de 200m, Daylight a fait afficher un chrono de 10’’7, le meilleur de toute la course, ce qui peut aussi expliquer en partie sa défaite, même si Arabie (10’’8) et les quatre derniers de la course étaient aussi descendus sous les 11’’ sur cette section. Le 2e Secret Wood avait toutefois refait son retard dans la section suivante, lorsque seul il est passé sous les 11’’. Juste un effet retard, probablement. Love Talk, finalement 4e à 1,5 longueur, mais nettement devant les autres, avait quant à lui continué de subir. Il a bouclé les derniers 400m en 24’’1, comme Secret Wood, contre 24’’4 et 24’’7 pour Arabie et Daylight.

Tout se paye.